
17 juin 2021
Le 31 décembre 2018 à minuit, nous n’avancerons pas nos montres d’une seconde (à moins que l’IERS ne nous y oblige d’ici-là…) mais nous bougerons légèrement les axes de notre repère céleste fondamental. L’Union Astronomique Internationale (UAI), réunie à Vienne la seconde quinzaine d’août 2018, a en effet voté en assemblée générale une résolution adoptant l’ICRF3 comme repère fondamental à la place de l’ICRF2, résolution prenant effet le 1er janvier 2019. Qu’est-ce dont que l’ICRF3 ? En quoi est-il mieux que l’ICRF2 ? Et à quoi cela sert-il ?
L’IRCF (International Celestial Reference Frame) version 3 a été bâti comme ses prédécesseurs au moyen d’observations VLBI de radiosources extragalactiques et constitue à ce jour le repère céleste le plus précis jamais établi. Y ont participé les membres d’un groupe de travail de l’UAI, soit une vingtaine de scientifiques dont deux du SYRTE. Plus de 10 millions de ces observations, étalées entre fin 1979 et mi-2018, ont été analysées pour déterminer simultanément plusieurs dizaines de milliers de paramètres dont les coordonnées de 4536 radiosources et d’autres concernant la rotation terrestre, les positions des télescopes ou encore la troposphère. Parmi ces milliers de radiosources, 303 qui sont plus stables et plus compactes et réparties le plus uniformément possible sur la voûte céleste, servent de sources de définition des axes du repère.
L’erreur médiane des catalogues ICRF2, ICRF3 et DR2 de Gaia (sources communes avec l’ICRF3).
L’important saut dans l’erreur médiane entre l’ICRF2 et l’ICRF3 (un facteur 3 !) est dû à la réobservation systématique de milliers de radiosources depuis 2012. La précision optimale de l’ICRF3 est de 0,03 mas.
L’ICRF3 est un repère d’une génération nouvelle par rapport à ses ancêtres, ICRF2 et ICRF, établis respectivement en 2009 et 1997 avec déjà une contribution importante du SYRTE. En effet, pour la première fois, l’ICRF3 est multi-longueur d’onde : bande X (8 GHz), bande K (22 GHz) et bande Ka (32 GHz). A cela s’associent les observations optiques de Gaia qui sont d’une précision comparable, et nous ouvrons la voie à des études astrophysiques d’un nouveau genre qui permettront de lever certains voiles sur la physique des quasars (opacité du jet, présence de galaxies hôtes).
L’ICRF2 et l’ICRF3. La couleur donne une idée de la précision de la position. Plus c’est bleu, mieux c’est.
Autre nouveauté qui nous a fait franchir un degré dans les générations : l’ICRF3 est corrigé de l’aberration galactique, c’est à dire l’effet d’aberration causé par la rotation du soleil autour du centre de la Voie Lactée (en 250 millions d’années !) qui, s’il n’est pas corrigé, provoque une distorsion lente du repère au cours du temps. Rappelons que l’aberration galactique a été mesurée cinématiquement pour la première fois par VLBI dans une étude commune au SYRTE et à Geoscience Australia.
L’ICRF3 est enfin un outil qui va renforcer la géodésie dans son ensemble puisque, solidement ancrées sur ce maillage céleste, les techniques de géodésie spatiale (VLBI, GNSS…) délivreront de meilleures mesures relatives à toute l’astrométrie, à la rotation terrestre et aux positions des stations au sol, mesures cruciales pour la géophysique, l’astrophysique et la physique fondamentale.
Présentation de la résolution B2, Vienne, 30 août 2018.