
17 avril 2023
Les lasers ultra-stables constituent une composante très importante des horloges optiques. Ils sont en effet utilisés pour sonder les transitions atomiques ultra-étroites dites "horloges" et constituent donc l’oscillateur local de ces dispositifs. A l’heure actuelle, les lasers ultra-stables sont réalisés par asservissement sur les cavités Fabry-Pérot de très haute finesse (typiquement de l’ordre de 106) maintenues sous vide dans des environnements extrêmement isolés des vibrations et fluctuations thermiques environnantes. Ces dispositifs très performants atteignent aujourd’hui néanmoins leurs limites fondamentales dues à l’agitation thermique (à température ambiante) pour des stabilités de l’ordre de 3-4×10-16 à 1s pour les dispositifs courants. De tels ordres de grandeurs de stabilité constituent aujourd’hui un important facteur limitant des horloges optiques à réseau développées au SYRTE et ailleurs dans le monde. En particulier, ces nouvelles horloges ne peuvent ainsi pas atteindre leur stabilité fondamentale (limitée par le nombre d’atomes interrogés à chaque cycle, qui implique une limite dite de "Bruit de projection quantique"), et on pourrait ainsi s’attendre à des progrès spectaculaires en terme de performances si l’on disposait d’oscillateurs locaux plus performants.
Si plusieurs voies d’amélioration des dispositifs asservis sur cavité Fabry-Perot sont envisageables (cavités de grandes tailles où les effets d’agitation thermiques sont plus moyennés et induisent donc une limite fondamentale plus basse, cavités cryogéniques où l’agitation thermique est plus faible) le SYRTE démarre une activité de recherche sur les lasers asservis sur "trous brûlés spectraux" dans les matrices cristallines dopées terre-rares à température cryogénique ( 4K, proche du zéro absolu de température). On peut en effet s’attendre à ce que ce type de dispositif surpasse les systèmes à base de cavité Fabry-Pérot macroscopique en terme de performances, même si de nombreuses études et développements technologiques doivent être menés à bien pour atteindre une telle gamme de performances.
L’idée est que les terre-rares en matrices cristallines à températures cryogéniques présentent des raies absorption de quelques GHz de large (élargissement inhomogène) dans lesquelles il est possible d’inscrire des structures spectrales très étroites ("trous brûlés spectraux", largeur homogène 1kHz, durée de vie pouvant atteindre quelques heures à basse température) à l’aide d’un laser pré-stabilisé en fréquence et d’un protocole expérimental adapté. Une fois ces structures spectrales photo-inscrites, le même laser pré-stabilisé qui a servi à les inscrire peut-être "post-asservis" dessus, et voire ainsi sa pureté spectrale et sa stabilité augmentée (à la condition que les structures spectrales étroites soient elles-mêmes suffisamment stables en fréquence dans le temps). Si les limites fondamentales (liées à l’agitation thermique résiduelle des atomes de la maille cristalline) sont très basses (du fait de la température proche du zéro absolu), les défis expérimentaux à résoudre pour s’en approcher sont importants. Environnement cryogénique à très forte stabilité thermique et très faible niveau de vibration, couples matrices/dopant présentant de faibles sensibilités aux perturbations environnementales résiduelles, protocoles de photo-inscription/post-asservissements optimisés et compatibles avec une utilisation en continu pendant -au moins- plusieurs semaines, etc...
Cet axe de recherche se déroule en étroite collaboration avec d’autres laboratoires en France, qui apportent leur savoir-faire sur des points complémentaires : le Laboratoire de Chimie de la Matière Condensée de Paris (LCMCP, Chimie ParisTech/Collège de France/CNRS, Paris, réalisation et caractérisation de cristaux dopés terre-rares), le Laboratoire Aimé Cotton (LAC, CNRS, Orsay, spectroscopie et utilisation de cristaux dopés terre-rares), et l’Institut Franche-Comté Electronique, Mécanique, Thermique et Optique - Sciences et Technologies (FEMTO-ST, CNRS/ENS de Mécanique et des Microtechniques de Besancon, systèmes cryogéniques très haute stabilité pour les applications métrologiques).
A moyen terme, le but ultime sera, une fois les performances obtenues satisfaisantes, de transférer la pureté spectrale du laser stabilisé sur trous brûlés spectraux vers une des longueurs d’ondes "horloge" du laboratoire via un peigne de fréquences optiques, afin d’en bénéficier sur les dispositifs d’horloges optiques à réseau développés au laboratoire.
Contact
Bess Fang
- Courriel : Bess.Fang (at) obspm.fr
- Tél. : +33 (0) 1 40 51 22 91
Yann Le Coq
- Courriel : Yann.Lecoq (at) obspm.fr
- Tél. : +33 (0) 1 40 51 21 01