18 novembre 2020
Pour la comparaison d’étalons de fréquence et pour des application liées à la métrologie temps-fréquence, nous développons en collaboration avec le Laboratoire de Physique des Lasers une nouvelle technique de transfert temps-fréquence par fibre optique. Le point de départ est un laser ultra-stable à la longueur d’onde Telecom référencé aux horloges optiques et micro-onde du SYRTE à l’aide d’un peigne de fréquence. Le signal métrologique transporté par la fibre est la phase du laser. Une partie de la lumière du laser ultra-stable est injecté dans une fibre optique. Les perturbations apportées au signal métrologique par la fibre (dû aux fluctuations thermique et au bruit acoustique essentiellement) sont mesurées après un aller-retour dans la fibre et compensées par un système électronique actif.
Pour profiter de l’infrastructure de fibre existante, nous avons développé une collaboration avec RENATER et mis au point une technique de transfert en parallèle du flux de données, sans perturbation ni du signal métrologique, ni des données. Nous travaillons ainsi à la construction d’un réseau métrologique que nous cherchons à faire labelliser en tant qu’infrastructure de recherche nationale. C’est le projet d’investissement d’Avenir REFIMEVE+
Nous cherchons au laboratoire à développer la technologie, pour étendre la portée des liens optiques, améliorer encore le niveau de performance, trouver d’autres compromis performances/couts et enfin augmenter les capacités des liens (transfert RF, de temps, etc...) et leur champ d’application, notamment en sciences de la Terre et en sciences de l’univers.
Nous avons démontré dès 2012 le transfert simultané de temps et de fréquence sur 540 km de fibre déployée entre Paris et Reims. Nous travaillons actuellement à élaborer la technologie et à l’inclure au réseau REFIMEVE.
Enjeux
Une activité essentielle de la métrologie Temps-fréquence est la comparaison des fréquences d’horloge d’un ensemble d’horloges réalisées indépendamment : la comparaison permet de rechercher des biais et de s’assurer de leur exactitude, et de nous renseigner sur la dérive des constantes fondamentales de la physique. Aussi la comparaison entre des étalons primaires de fréquence au meilleur niveau nécessite un moyen de comparaison dont la résolution est meilleure que le plancher de bruit des horloges que l’on souhaite comparer.
Actuellement les comparaisons d’horloges à distance sont effectuées soit par GPS, soit par satellite de télécommunications. Les comparaisons sont limitées en stabilité relative à quelques 10-15 pour un jour de mesure, ce qui est insuffisant pour les performances ultimes des étalons atomiques de fréquence actuels.
Pour des applications de la spectroscopie à ultra-haute résolution et de synchronisation de grands instruments - mesures de physique fondamentale, mesure de polluants atmosphériques, géodésie, astronomie,- la qualité des références de fréquence est un élément important du système expérimental et peut être un facteur limitant la résolution des mesures. Cependant la mise en oeuvre et le coût d’exploitation d’un étalon de fréquence de haute performance est souvent prohibitif pour l’utilisateur. La stratégie communément employée consiste à comparer la fréquence d’un oscillateur local avec un étalon de fréquence de meilleure qualité et d’exploiter le résultat de la comparaison pour discipliner l’oscillateur local sur la référence de fréquence. La solution la plus commode est d’exploiter les signaux du GPS. Là encore les progrès dans les laboratoires sont tels que la résolution de la comparaison devient un facteur limitant la résolution des mesures.
Objectifs
L’objectif de notre activité est de permettre la comparaison d’horloges à l’échelle européenne au niveau de 10-18
et de disséminer à l’échelle nationale une référence de fréquence optique pour une vingtaine de laboratoires intéressés par les mesures de très haute résolution (projet REFIMEVE+).
- Projet de déploiement en région parisienne (REMIF).
Lien optique fibré
La technologie développée, en collaboration étroite avec le Laboratoire de Physique des Lasers (LPL, CNRS / Université Paris 13), consiste à coupler dans une fibre optique un laser ultra-stable référencé aux horloges optique et micro-onde du SYRTE. Le signal métrologique transporté par la fibre est la phase du laser. Les perturbations apportées au signal métrologique par la fibre (dû aux fluctuations thermique et au bruit acoustique essentiellement) sont mesurées après un aller-retour dans la fibre et compensées par un système électronique actif. Pour une meilleure réjection, on peut montrer qu’un lien subdivisé en plus petits segments permet une meilleure réjection du bruit. Démontré dès 2009, étendu puis amélioré, la technique a été démontré avec des prototypes de laboratoires jusqu’à Strasbourg. C’est la technologie clé de REFIMEVE+.
On peut aussi transférer un signal radio- fréquence en ajoutant une modulation d’amplitude au laser [4,6]. Nous avons montré récemment qu’on pouvait également transférer un signal de synchronisation et une référence de temps en ajoutant une modulation de phase. Le résultat de l’étude montre déjà des performances bien meilleures que par GPS [1].
On a montré que la démodulation optique par un interféromètre de Mach-Zehnder permettait d’améliorer encore les performances tout en réduisant les coûts et la complexité.
- Transfert simultané temps et de fréquence seul sur 540 km de fibre métropolitaine en parallèle du trafic de données.
- Transfert de fréquence seul sur 540 km de fibre métropolitaine en parallèle du trafic de données.
Les facteurs limitants cette technique sont l’atténuation du signal et la bande passante de la correction quand la longueur de la fibre devient très grande (typiquement au delà de quelques centaines de km).
Nous avons travaillé au développement de stations répétrices dans le domaine optique, sans dégradation du signal métrologique [3]. Ces stations sont maintenant complètement automatiques et pilotables à distance. Le savoir faire a été transféré à un consortium d’industriel, dont le chef de file est MuQuans. Les amplificateurs bi-directionnels sont également des produits commercialisés, par Lumibird-Keopsys.
Nous avons développé un transfert de savoir faire complet vers la société MuQuans, qui a réalisé le premier lien optique cohérent avec leurs produits commerciaux sur la liaison Paris-Lille.
Lien optique multiplexé
La deuxième difficulté est la disponibilité d’une fibre pour des applications métrologiques.
L’utilisation d’une fibre dédiée suppose la location, onéreuse, d’une paire de fibre auprès d’un opérateur. Cependant, notre signal n’étant pas- ou très faiblement- modulé, il n’est pas nécessaire d’utiliser une fibre dédiée, un seul canal de la grille ITU suffit amplement. Nous avons montré que par multiplexage en longueur d’onde, nous pouvions transmettre le signal métrologique en parallèle d’un flux de données internet, sans dégradation dequalité du signal métrologique, et sans perturbation du flux de données [5].
- Lien optique
Nous avons établi une collaboration avec RENATER, le Réseau National de télécommunications pour la Technologie l’Enseignement et la Recherche, pour utiliser l’infrastructure du réseau académique national. Un équipement spécifique est malgré tout nécessaire, que nous avons installé (fin 2020) sur les lignes Paris-Reims-Nancy-Strasbourg-Besançon, Paris-Lille, Paris-Lyon-Grenoble-Modane. Nous avons également une liaison SYRTE-LPL-NPL. Ainsi le SYRTE est relié en optique à ses homologues allemands, anglais et italiens et le réseau français permet les intercomparaisons entre toute paire d’horloges hébergées chez ces 4 instituts de métrologie.
Comparaisons d’horloges
La première comparaison d’horloges optiques et micro-onde a eu lieu en 2015 entre le SYRTE et le PTB, et les résultats publiés dans Nature Communication et Metrologia. Le réseau s’est étendu en 2016 au NPL, puis à l’INRIM en 2020. Le réseau d’horloge permet des tests de relativité restreinte, que nous avons publié dans PRL.
Le graphe ci dessus montre la stabilité de la comparaison des horloges Sr du SYRTE et du PTB pour les campagnes de mars et juin 2015 (points bleus), et la stabilité du lien optique fibre pendant ces campagnes. Le bruit du lien est négligeable dans la comparaison dès les premieres secondes d’acquisition.
Ce travail a eu un echo considérable dans la presse, et nous a valu les honneurs du magasine La Recherche en 2016.
Extraction - Distribution du signal à de mulitples utilisateurs
Pour un large nombre d’utilisateur du réseau, une connection point-à-point entre chaque utilisateur et le SYRTE n’est pas une solution optimum. Nous avons développé une technique d’extraction en ligne du signal métrologique, suivant la proposition originale de Gesine Grosche. Les résultats ont été publiés en 2014 et 2016, et ont été transféré à MuQuans, partenaire industriel de REFIMEVE.
Limites fondamentales
Nous étudions sur une fibre déployée et sur bobines les limites fondamentales des liens optiques, en comparant les techniques de compensation active et passive (Two-Way) et leur combinaison dans des schémas hybrides. Ces études nous ont permis de mettre en evidence le bruit et le biais dû à l’interféromètre, de mettre en place des stratégies pour le minimiser et le compenser, et de mieux comprendre les facteurs limitant lié à la polarisation. On étudie les corrélations de bruit entre les architectures uni-directionnelles et bi-directionnelles.
Matière noire
Nous mettons des moyens à disposition de l’équipe théorie pour la recherche de matière noire au laboratoire. C’est le projet DAMNED.
Le tapuscrit de thèse d’Etienne Savalle sera disponible prochainement.
White Rabbit
Nous développons, en collaboration avec le CERN et les fabricants industriels comme SevenSolution et OPNT, la solution White Rabbit pour le transfert par fibre optique de référence de temps et de fréquence (voir aussi le projet européen WRiTE).
La thèse de Namneet Kaur a montré des voies possible pour l’amélioration de la technologie, avec un système de syntonisation directe et d’augmentation de la bande passante d’asservissement, ainsi que la faisabilité d’implémentation sur des architectures unidirectionnelles des réseaux de télécommunication à longue portée.
Lien vers la these de Namneet Kaur
Consortium REFIMEVE+ (équipement d’excellence)
Laboratoire de Physique des Lasers :
Anne Amy-Klein, Christian Chardonnet (PI), Olivier Lopez, Etienne Cantin.
LNE-SYRTE :
Michel Abgrall, Baptiste Chupin, Michel Lours, José Pinto, Paul-Eric Pottie (co-PI), Rodolphe Le Targat, Laurent Volodimer
Laboratoire Photonique Numérique et Nanoscience (LP2N) :
Giorgio Santarelli (co-PI)
RENATER :
Thierry Bono, Karim Boudjemaa, Emilie Camisard, Laurent Gydé, Nicolas Quintin
Membres actuels :
Mads Tonnes, doctorant
Maxime Mazouth-Laurol
Jérôme Fils
Anciens membres :
Anthony Bercy, doctorant co-tutelle LPL/SYRTE (2012-2015)
Sacha Schediwy, visiteur scientifique UWA, 2012
Fabio Stefani, post-doctorant (2012-2015)
Won-Kyu Lee, visiteur scientifique KRISS (2014-2015)
Namneet Kaur, doctorante (2014-2017)
Florian Frank, ingénieur (2016-2020)
Etienne Cantin, ingénieur (2018-2020)
Eva Bookjans, ingénieure (2017-2020)
Dan Xu, post-doctorante (2016-2020)
Projets européens :
JRP NEAT FT
Co-ordinateur : Harald Schnatz, PTB
JRP OFTEN
Co-ordinateur : Harald Schnatz, PTB
GN3+ ICOF
Co-ordinateur : Harald Schnatz, PTB
JRP WRiTE
Co-ordinateur : Davide Calonico, INRIM
JRP TiFOON
Co-ordinateur : Jochen Kronjaeger, NPL
EC INFRA-INNOV CLONETS
Co-ordinateur : Philip Tuckey, Observatoire de Paris
NB : Project ’cousins’ sur les horloges :
JRP OC18
JRP ROCIT
Collabaration interne
Dans le cadre du transfert de temps par fibre optique, nous travaillons avec l’équipe « Références Micro-ondes et échelles de temps » du laboratoire :
Philip Tuckey, Michel Abgrall, Baptiste Chupin, Joseph Achkar, Daniele Rovera (PhD).
Nous travaillons avec l’équipe théorie du laboratoire pour les tests de physique fondamentale, et la recherche de matière noire :
Pacôme Delva, Peter Wolf, Etienne Savalle.
Le projet est soutenu par le LNE, le CNES, l’ANR, EURAMET, BPI France, la région Ile de France (Nano-k, SIRTEQ) le conseil scientifique de l’Observatoire, le GRAM.
Le projet REFIMEVE+ fait partie du programme d’Investissements d’avenir.
Contact
Paul-Eric Pottie
- Courriel : paul-eric.pottie (at) obspm.fr
- Tél . : +33 (0) 1 40 51 22 22