
29 novembre 2022
Gaia est une mission spatiale astrométrique consacrée à la mesure de la position, de la distance et du mouvement des étoiles, développée par l’Agence spatiale européenne. Les enjeux de Gaia sont trop nombreux pour être tous cités. Au-delà des progrès accomplis sur la cartographie de la Voie lactée, les équipes du SYRTE s’attèlent à plusieurs segments de cette mission tout aussi cruciaux pour atteindre la très haute précision astrométrique. Dans le domaine extragalactique qui nous intéresse particulièrement, les mesures réalisées avec le satellite démontrent des écarts entre les positions des objets compacts (noyaux actifs de galaxies ou AGN) lorsqu’elles sont repérées à diverses longueurs d’onde du domaine radio au domaine optique. Ces écarts, de quelques microsecondes d’arc à plusieurs dizaines de millisecondes d’arc, reflètent la nature complexe des AGN et nous amènent sur des terres encore peu explorées.
En effet, pour la première fois à notre connaissance, il est possible de localiser l’émission optique dans l’architecture complexe du coeur des AGN : dans le disque, dans le jet, plus loin ?... Comprendre les articulations de cette géométrie radio-optique avec l’émission à très haute énergie pour laquelle la localisation fait débat, la dynamique du jet, la classe spectrale ou encore la variabilité photométrique et astrométrique, sont autant d’apports cruciaux pour la réalisation des repères de référence.
L’équipe Systèmes de Référence Célestes du SYRTE contribue à plusieurs plans à Gaia.
Les chercheurs et ingénieurs du SYRTE pilotent le suivi optique du satellite Gaia depuis le sol avec le service GBOT, et plus particulièrement la réduction de ces observations. Cette méthode de suivi satellitaire inhabituelle combinée avec les techniques traditionnelles permet de connaître la position et la vitesse de Gaia avec une précision meilleure que 150 m en position et 2,5 mm/s en vitesse. Du fait de leur caractère expérimental, les mesures GBOT ont fait l’objet d’une longue campagne d’évaluation et ont finalement été validées par l’ESA en 2020. Elles sont dorénavant utilisées pour la reconstruction de l’orbite de Gaia qui permettra d’améliorer encore la précision astrométrique d’un grand nombre d’objets des futurs versions du catalogue Gaia (DR4 er DR5).
Figure 1. Le Gaia CRF3. La partie « vide » est la Voie lactée…
D’autre part, l’équipe Systèmes de Référence Célestes du SYRTE travaille sur le repère extragalactique (voir figure 1) et l’identification des quasars parmi les milliards d’objets collectés par ce formidable œil céleste. L’équipe a notamment contribué à valider les méthodes de séparation entre quasars et galaxies, permettant d’obtenir un échantillon de l’un ou de l’autre le plus pur possible (voir figure 2). L’équipe contribue aussi en amont via l’établissement de catalogues astrométriques comme le LQAC (compilation de relevés hétérogènes) ou l’ICRF3 (catalogue radio de précision comparable à Gaia) et utilisés dans Gaia pour l’identification croisée des objets et pour les études statistiques.
Figure 2. Distribution selon leur décalage vers le rouge pour des candidats galaxies et quasars (QSO) dans la DR3 de Gaia. La ligne bleue en pointillés correspond à la sélection obtenue grâce au filtre qsoc permettant d’obtenir un échantillon sans contamination.
Aussi les données de Gaia, confrontées à celle obtenues par VLBI, semblent être une sorte de chainon manquant qui, en ouvrant la porte à l’astrométrie absolue multi longueur d’onde, va permettre à nos équipes de sonder en profondeur ces objets célestes encore mystérieux qui constituent pourtant nos meilleurs repères.
Pour en savoir plus :
Le prix Berkeley
L’astrométrie multi-longueurs d’onde
Le site de l’IERS
GAIA CRF3 : Gaia Collaboration, Klioner SA et al, Gaia Early Data Release 3 - The celestial reference frame (Gaia-CRF3), Astronomy and Astrophysics 667, 148, 2022
Une publication scientifique sur LQAC
Sur la distribution en redshift :Babusiaux C et al, Gaia Data Release 3 : Catalogue Validation, Astronomy and Astrophysics, 2022