
19 avril 2021
Lors des préparatifs de la mission InSight par la NASA, le problème de la détermination du Nord géographique martien s’est rapidement posé. Deux solutions ont été retenues : la première consistait à utiliser le gyroscope d’InSight qui fonctionnait pendant la phase de descente de l’atterrisseur dans l’atmosphère de Mars, afin de poser la sonde dans la bonne direction. Mais une fois au sol, l’instrument cessait de fonctionner.
La seconde solution était ensuite d’utiliser une ombre projetée et de là en déduire, avec une précision si possible inférieure à 5°, où se situait le Nord géographique, c’est-à-dire la direction de l’axe de rotation de la planète. Ce principe d’utiliser l’ombre d’un gnomon, autrement dit d’un bâton vertical planté sur un sol horizontal, remonte aux astronomes babyloniens qui, il y a plus de 4000 ans, ont commencé à déterminer les premières constantes de l’astronomie. On a dû remarquer très tôt que l’ombre d’un gnomon, infinie au lever du Soleil, se raccourcissait le matin pour être le plus court possible à midi solaire lorsque le Soleil culminait : l’ombre indique alors soit le Nord soit le Sud selon le lieu où on se trouve. Puis l’ombre s’allonge l’après-midi et devient à nouveau infinie au coucher du Soleil.
Sur Mars, le même principe a été utilisé mais sans se limiter à l’instant de culmination : connaissant les coordonnées géographiques martiennes du sismomètre et ayant mis au point une théorie qui donne la position du Soleil sur la planète en fonction de l’heure, on a pris une succession d’images de l’ombre au cours de la journée grâce à la camera située au bout du bras articulé. Comme il n’était pas possible de munir SEIS, pour des raisons d’encombrement, d’un véritable gnomon, on a utilisé le crochet de préhension du sismomètre dont l’ombre circulaire se projetait sur une mire graduée, ce qui était loin d’être idéal en raison de la forme ovoïde de l’ombre.
Au sommet de la protection thermique RWEB qui entoure le sismomètre SEIS, le crochet de préhension sert aussi de gnomon.
Finalement, une dizaine d’images a permis de déterminer où était situé le Nord géographique, et la confrontation avec l’orientation obtenue par le gyroscope a montré un écart voisin de ± 3°. On peut considérer ce résultat comme excellent étant donné les difficultés d’estimer exactement la position de l’ombre.
Il ne fait aucun doute que les Babyloniens auraient été étonnés qu’on utilise un jour un instrument apparemment si rudimentaire pour trouver le Nord sur une autre planète !
Pour en savoir plus :
contact chercheur : Denis Savoie
Le lien vers l’article scientifique "Finding SEIS North on Mars : Comparisons Between SEIS Sundial, Inertial and Imaging Measurements and Consequences for Seismic Analysis" dans la revue Advancing Earth and Space Science
Une vidéo courte "Le temps des gnomons est-il de retour ?" :
https://www.youtube.com/watch?v=MIMI-Ee6c48
et le lien vers la conférence associée présentée à TimeWorld
Voir la brève sur le site de l’INSU
Voir la brève sur le site de l’Observatoire de Paris
Crédits photographiques :
Illustration : © IPGP/David Ducros.
Vignette : © NASA/JPL