10 mai 2023
La mission LISA (Laser Interferometer Space Antenna) observera dans le domaine des basses fréquences du spectre gravitationnel (de 0.1 mHz jusqu’à 1 Hz). Elle capturera ainsi le signal gravitationnel en provenance de sources, qui à l’heure actuelle, ne sont pas résolues par les détecteurs haute fréquence au sol tels Virgo, LIGO, KAGRA, ou encore GEO600. Parmi ces nouvelles sources d’ondes gravitationnelles, les plus représentées seront les binaires galactiques, dont le nombre devrait s’élever à plusieurs dizaines de milliers après les 4 années d’observation que durera la mission LISA (cf. figure 1).
- Figure 1 : Représentation de LISA en train d’observer une binaire galactique. Crédits : ESA, Virgo.
Les binaires galactiques sont des systèmes doubles composés d’étoiles à neutrons ou de naines blanches dans différentes combinaisons. Dans la gamme des basses fréquences observées par LISA, les binaires galactiques seront détectées pendant la phase spiralante, soit plusieurs milliers d’années avant la fusion qui sera captée par les détecteurs au sol. En observant plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d’orbites en 4 années d’observation, LISA permettra de sonder très précisément la dynamique orbitale des systèmes binaires galactiques. Grâce à ces sources on espère donc en apprendre davantage sur la nature de la loi de la gravitation (voir section tests de physique fondamentale) ainsi que sur l’état de la matière qui constitue les étoiles à neutrons et les naines blanches (voir section suivante concernant la physique interne).
Etude de la physique interne des binaires galactiques
Les objets compacts composants les binaires galactiques ont une masse de l’ordre d’une masse solaire pour des rayons allant de 10^4 km pour les naines blanches, à quelques 10 km pour les étoiles à neutrons. Ce sont également parmi les corps les plus fortement magnétiques de l’univers, avec des champs magnétiques qui peuvent atteindre jusqu’à 10^9 G pour les naines blanches et jusqu’à 10^15 G pour les étoiles à neutrons. Des champs magnétiques d’une telle intensité peuvent perturber significativement le mouvement orbital du système binaire et permettre leur caractérisation indirecte au travers des ondes gravitationnelles qui seront détectées par LISA (cf. figure 2).
- Figure 2 : Représentation d’un système binaire en interaction magnétique. Crédits : ESO / L. Calçada.
Depuis 2020, l’équipe s’intéresse à la caractérisation de la signature magnétique dans les signaux gravitationnels. Dans le cadre de la magnétostatique et en considérant des champs magnétiques dipolaires, nous avons pu montrer qu’il existait un seul état d’équilibre qui soit séculairement stable pour les moments dipolaires magnétiques des deux composantes de la binaire [1] : à savoir lorsque les deux moments sont orthogonaux au plan orbital et anti-alignés entre eux (cf. figure 3). On peut donc s’attendre à ce que des systèmes s’étant formés il y a suffisamment longtemps soient proches de cet état d’équilibre. De ce résultat, nous avons pu déterminer l’impact de la force magnétique sur l’évolution orbitale du système et donc caractériser la signature magnétique dans le signal gravitationnel [2]. Ces prédictions théoriques ont ensuite été testées en conduisant une analyse de données LISA simulées, en supposant un signal gravitationnel émit par une binaire galactique en orbite quasi-circulaire et en interaction magnétique. Nous avons pu montrer que l’énergie magnétique du système binaire pouvait être extraite du signal gravitationnel [3].
- Figure 3 : Etats d’équilibres des moments magnétiques dipolaires dans un système binaire d’étoiles compactes. L’unique configuration stable correspond au cas représenté en haut à droite, c’est-à-dire lorsque les moments magnétiques sont anti-alignés entre eux et orthogonaux au plan orbital. Crédits : image tirée de [1].
Outre les effets magnétiques, on s’attend également à ce que la dynamique orbitale des systèmes binaires d’étoiles à neutrons ou de naines blanches soit contrôlée par les effets de marées dynamiques et de dissipation d’énergie. En effet, les changements de compositions interne au sein des étoiles compactes peuvent engendrer des zones favorables à la création de modes propres de vibration capable de dissiper efficacement l’énergie orbitale du système binaire. Si les modes propres ne peuvent se former, les ondes de gravité interne peuvent prendre le relais et dissiper l’énergie orbitale par viscosité avant qu’un mode propre puisse se former. Il résulte de tout ceci que les effets de dynamique interne peuvent accélérés la phase spiralante et même outrepasser l’effet de perte d’énergie par rayonnement gravitationnel. Notre équipe, en collaboration avec le département d’Astrophysique au Commissariat à l’Energie Atomique s’intéresse donc à la modélisation de la dynamique interne des binaires galactiques.
Tests de physique fondamentale avec les binaires galactiques
En suivant l’évolution de la dynamique orbitale des binaires galactiques sur de nombreuses orbites, LISA va également être en mesure de scruter attentivement les propriétés de l’espace-temps dans l’environnement des corps compacts. Dans ce cadre, un point essentiel concerne la symétrie de Lorentz qui est une propriété fondamentale de l’espace-temps de la relativité générale. Or, d’après les grandes théories d’unification, la symétrie de Lorentz doit être brisée à certain niveau d’énergie. En se basant sur la période d’observation et le nombre de binaires galactiques individuelles résolvables, LISA permettra en principe de tester la symétrie de Lorentz.
Bibliographie
[1] C. Aykroyd, A. Bourgoin, C. Le Poncin-Lafitte, S. Mathis, et M.-C. Angonin, Secular dipole stability of mamgnetic binaries, accepté dans A&A.